Le concept de perturbateur est devenu omniprésent dans les temps modernes. Uber a transformé l’industrie du taxi en permettant à n’importe qui de devenir chauffeur ; Air BnB a secoué l’industrie hôtelière en permettant à n’importe qui de louer une propriété.

Les résultats ont eu un effet immédiat. Les consommateurs disposaient d’options plus efficaces et moins coûteuses.

Ce que beaucoup ne tiennent pas compte, c’est que les perturbateurs ignorent souvent les règlements, ce qui leur donne un avantage injuste, ce qui les place en porte-à-faux avec les entreprises en place dans l’industrie.

L’industrie de la loterie a maintenant son propre perturbateur, Lottoland, qui vend des paris de loterie sur sa plateforme numérique.

Lottoland est-il un autre Uber qui contourne les règles pour faire avancer le jeu, ou est-il allé trop loin et a mis en danger les joueurs que les lois nationales sur les loteries protègent ?

Qui est Lottoland ?

Lottoland, basé à Gibraltar, permet aux joueurs de parier sur les lotos (loteries nationales).

Lottoland vend apparemment des billets de loterie – Powerball, MegaMillions, EuroMillions, etc. – aux consommateurs du monde entier.

Lottoland offre 30 jeux différents maintenant. Leur présentation aux joueurs est simple et efficace : Si le jackpot de votre loto local, disons EuroMillions, ne vaut que 40 millions d’euros, mais le jackpot Powerball vaut 200 millions de dollars, pourquoi ne pas essayer de gagner le jackpot Powerball à la place ?

Les paris sur le loto ne sont pas un nouveau produit, mais la promesse de Lottoland d’un portefeuille mondial de lotos gagne du terrain. Fin 2016, ils ont annoncé qu’ils avaient 4 millions de clients.

A ce jour, Lottoland a annoncé qu’il compte près de 6 millions de clients.

D’un point de vue financier, elle a été classée 128e entreprise à la croissance la plus rapide par le Financial Times après une croissance de 820 % de son chiffre d’affaires entre 2012 et 2015. En 2016, leur chiffre d’affaires s’élève à 300 millions d’euros. L’entreprise basée à Gibraltar est active sur 12 marchés, emploie plus de 300 personnes et possède des licences de jeu officielles à Gibraltar, au Royaume-Uni, en République d’Irlande et même pour les lotos d’Australie.

Explication des paris sur le loto

Mais qu’est-ce qu’un pari au loto ? Tout d’abord, ce n’est pas la revente des billets de loto. Ca c’est le service 100% LEGAL proposé par une société comme TheLotter par exemple

La revente d’un loto se produit lorsqu’un agent qui n’est pas un détaillant participe à la transaction entre les joueurs et les détaillants. Le client donne de l’argent à un revendeur de loterie, le revendeur échange l’argent avec un détaillant contre un billet officiel, puis le revendeur de loterie donne le billet au client.

Il y a des variations dans la revente de tickets de loterie, mais il y a trois points clés :

1. C’est un billet de loto officiel,
2. La loterie reçoit de l’argent en échange du billet.
3. Si le joueur gagne, la totalité ou une partie du jackpot officiel lui revient.

Rien de tout cela n’est vrai pour les paris au loto et donc avec Lottoland.

Le loto est le moment où les joueurs font un pari sur le numéro qui sera tiré dans le tirage au sort. Les loteries ne sont pas du tout impliquées. Alors qu’il semble à un joueur au Royaume-Uni qu’il achète un billet Powerball, il achète une “version miroir” du jeu. Le jackpot vaut la même chose, le nom est le même, mais elle n’achète pas un billet Powerball.

Au lieu de cela, le joueur fait un pari avec Lottoland, donc 100% de son argent va donc à Lottoland. Et si une joueuse gagne le pari, elle obtient un gain qui n’est pas lié au vrai jackpot Powerball.

Bien sûr, cela signifie que Lottoland est responsable du paiement des jackpots aux gagnants. Ils ne peuvent pas couvrir le gros lot par les seules ventes, comme les loteries. Au lieu de cela, Lottoland a développé des mesures de couverture compliquées pour couvrir les grands gagnants potentiels.

En novembre 2016, le système d’assurance de Lottoland était divisé en cinq couches.

Pour les prix inférieurs à 15 millions de livres sterling, Lottoland est responsable de payer à ses clients les prix qu’ils pourraient gagner. Si le prix se situe entre 15 et 30 millions de livres sterling, ils ont conclu un accord avec la Lloyd’s de Londres pour aider à couvrir le prix.

Pour les prix de la troisième tranche, 30 millions de livres sterling et 116 millions de livres sterling, ils utilisent des titres liés à l’assurance (Insurance Linked Securities – ILS) pour couvrir les prix.

“La troisième couche, qui est le cœur de l’opération, est constituée d’ILS. Les assurances prises ( couverture)  sont très semblables aux assurances contres les catastrophes naturelles ou exceptionnelles, qui sont là pour s’assurer contre les événements catastrophiques “, a déclaré Bravo Garcia, chef de la stratégie, Lottoland, à la conférence NOAH 2016 à Londres. “Ils ne sont liés à aucune autre classe d’actifs… vous pouvez calculer votre risque exact, votre exposition exacte… et ils sont entièrement garantis.”

La dernière couche est décrite comme “Physical Hedge”, ce qui suggère qu’avec de très gros jackpots, ils achètent des billets de loto officiels des jeux qu’ils reflètent. “Si et dans la mesure où les mesures de couverture de Lottoland impliquaient l’achat de billets de lotos réels dans une loterie d’État américaine, cela pourrait poser des problèmes en vertu de la loi de l’État applicable “, a déclaré Mark Hichar, associé chez Hinckley Allen.

Le succès rapide de Lottoland pousse l’entreprise à se développer rapidement. Ils cherchent à s’étendre davantage en Amérique latine, notamment au Mexique et en Colombie – notamment avec le Baloto Loto, en Afrique et les lotos en  Asie, avec un accent particulier sur la Chine. Leur produit de loterie ne peut pas être vendu en Amérique en raison de la réglementation actuelle. “Les États-Unis ne sont pas si simples “, a déclaré Nigel Birrell, PDG de Lottoland, chez NOAH. “Il y a beaucoup de restrictions mais certainement des opportunités sur le marché des revendeurs avec pourquoi pas des ventes croisées avec les opérateurs de casinos. Nous pouvons le faire dans les grands États comme la Californie, le New Jersey et New York.”

Publicité trompeuse

Pour beaucoup, la question de savoir si c’est légal et c’est la première question qui vient à l’esprit.

Les réponses varient considérablement selon les personnes à qui vous posez la question.

“Nous respectons et nous nous conformons à la loi et nous n’anticipons pas que nos produits de paris licites et autorisés puissent déranger quiconque, à part peut etre ceux qui pourraient nous considérer comme un concurrent “, a déclaré Bravo Garcia.

D’un autre côté : “Le Lottoland a déjà été confronté à de multiples actions des autorités nationales contre son comportement illégal sur le marché du jeu. Par exemple, en République tchèque, Lottoland a proposé ses produits sans la licence requise, ce qui a entraîné des poursuites pénales et le blocage du nom de domaine ” lottoland.cz.

Elle a poursuivi ses activités illégales, par exemple en enregistrant et en utilisant le nom de domaine “sportka.org”, qu’elle a dû transférer au titulaire légitime des droits, l’opérateur de loterie tchèque SAZKA.

Le site Web de Lottoland est bloqué pour les joueurs français par le régulateur français et le régulateur espagnol a également pris des mesures contre Lottoland afin de s’assurer que les joueurs espagnols ne puissent pas accéder au site “, a déclaré Andrew Pilkington, secrétaire général de Services aux Loteries en Europe (SLE).

Comme déjà dit, Lottoland ne vend pas Powerball ; ils vendent des paris sur Powerball. Ce n’est pas une loterie, c’est un opérateur de jeux de hasard. La distinction est importante.

“Lottoland a fait l’objet d’une ordonnance judiciaire en Australie à la suite d’une action en justice intentée par l’opérateur de loterie agréé (Tatts) concernant la façon dont il commercialise son produit.

Les autorités britanniques ont également réprimandé Lottoland sur des questions similaires – la Advertising Standards Authority du Royaume-Uni a conclu que Lottoland induit illégalement les consommateurs en erreur dans sa publicité “, a déclaré Pilkington.

Protection

La question se complique en fonction des lois de chaque juridiction. Par exemple, au Royaume-Uni, la Gambling Act 2005 interdit l’offre de paris sur toute loterie qui “fait partie de la Loterie Nationale”. La Loterie Nationale vend EuroMillions, alors pourquoi Lottoland est-il autorisé à vendre leur produit ? C’est dû à une lacune juridique.

EuroMillions est géré comme un partenariat entre les différentes loteries. Bien que le jackpot et les chiffres soient partagés, la version du jeu de chaque juridiction est différente. Par conséquent, Lottoland ne vend pas la version britannique du jeu, mais plutôt la version d’une autre juridiction, et peut donc contourner la loi.

Le gouvernement du Royaume-Uni tente de combler cette lacune parce qu’il craint que les joueurs ne soient pas en mesure de faire la différence entre le jeu et les paris sur le jeu. “A l’appui de cette thèse, ils ont cité une étude – réalisée par Camelot – sur un produit de paris EuroMillions qui a montré que seulement 14% des personnes interrogées comprenaient qu’il s’agissait d’un produit de paris, alors que 61% pensaient que c’était un moyen de participer à l’EuroMillions Lottery, a déclaré Alasdair Lamb, Associate London, sur le site de commentaires juridiques CMS Law Now.

Ils craignent également que la concurrence comme celle de Lottoland n’éloigne les joueurs des produits de la Loterie Nationale. Lottoland a déjà commencé à offrir EuroMillions pour moins cher (£2) que le montant vendu par la Loterie Nationale (£2.50).

Toutefois, M. Lottoland a fourni des preuves que les ventes de billets EuroMillions au Royaume-Uni n’ont pas été affectées depuis que la société de paris sur les loteries est entrée sur le marché britannique. “En fait, les preuves et l’analyse que nous avons présentées prouvent que nous n’enlevons pas de clients à Camelot. En vérité, ce sont leurs propres décisions qui ont un impact significatif et souvent négatif “, a déclaré Birrell dans un communiqué de presse.

“Grâce à de nombreux sondages auprès de la clientèle, nous avons constaté que les gens qui parient sur Lottoland continuent souvent d’acheter des billets de loterie à leur loterie nationale. C’est parce que les clients de Lottoland recherchent quelque chose de très différent de l’expérience habituelle de la loterie. Pour cette raison, et comme nous l’avons expliqué plus en détail, nous ne nous voyons pas en concurrence directe avec les fournisseurs de loterie existants – nous attirons un nouveau groupe de clients “, a déclaré Bravo Garcia.

M. Lottoland demande actuellement au gouvernement du Royaume-Uni de passer au moins deux ans à examiner l’affaire avant de prendre une décision finale sur la mise à jour de la législation.

Droits des marques

L’utilisation par Lottoland de noms de jeux tels que EuroMillions, EuroJackpot, Powerball et MegaMillions etc… – soulève également des questions. Les logos de Lottoland pour ces jeux sont des dérivés des jeux originaux, mais ils se ressemblent suffisamment pour que les consommateurs puissent facilement comprendre la référence. Le nom est généralement le même ou une légère variation, comme U.S. Powerball.

L’avenir ?

La querelle entre l’industrie du jeu en place et Lottoland ne semble pas vouloir s’apaiser.

Lottoland a souvent qualifié les loteries de vente de produits “désuets”, tout en se considérant comme des champions de l’innovation et du peuple. “Lottoland apporte choix, valeur et innovation sur le marché des paris par le biais d’une gamme de produits nouveaux et différenciés et de systèmes de prix. Nous offrons à nos clients des paris sur 30 loteries différentes, dont la plupart n’ont pas d’accès direct”, a déclaré Bravo Garcia.

Le sénateur australien Nick Xenophon résume l’impression que les industries du jeu ont du Lottoland. “Le Lottoland est devenu un no man’s land légal et nous devons combler cette lacune “, a déclaré N. Xenophon à news.com.au.

“Ça cause aussi un manque à gagner sur les taxes, y compris ceux qui appartiennent à l’État. Nous allons perdre de l’argent pour les hôpitaux et les écoles parce que cela réduira les recettes de l’État.”

Pourtant, le Lottoland ne se considère pas comme une menace pour les loteries. “Nos produits de loterie pari sont nettement différents de ce que les loteries offrent sur le marché – Lottoland est moins connu que la plupart des produits de loterie traditionnels, n’a pas de présence au détail (uniquement en ligne) et une large gamme de produits “, poursuit Bravo Garcia. “Les produits offerts par Lottoland sont matériellement différents en termes d’apparence et de toucher. De plus, plusieurs de nos caractéristiques uniques sont contraires à la mécanique et à la logique traditionnelles de la loterie, ce qui nous rend encore plus différents.”

La validité de cette déclaration reste à voir.

Hichar souligne que la page Web “About Us” de Lottoland contredit cette affirmation : “Lottoland dit aux joueurs : “….., vous vivrez la même expérience que si vous aviez joué le tirage officiel.”

Mais en dépit de tous ces malentendus, Lottoland dit qu’ils veulent travailler avec les loteries : “Nous sommes désireux de travailler avec les opérateurs de loterie pour leur permettre d’utiliser notre plateforme (qui est notre technologie propriétaire) et de bénéficier de nos connaissances et de notre expertise dans l’espace du loto en ligne. En fait, grâce à une simple intégration de l’API à notre plate-forme, nous pensons pouvoir mettre en ligne n’importe quelle loterie nationale “, a déclaré Bravo Garcia.

Compte tenu de la longue histoire qui s’est déjà développée entre Lottoland et les principales loteries, les opérateurs et leurs associations professionnelles, il faudra peut-être un certain temps avant que les deux parties ne soient disposées à travailler ensemble.